27 millions de tonnes de nanoplastiques dans l’Atlantique Nord : une pollution invisible mais omniprésente

Une nouvelle étude parue en juillet 2025 dans la revue Nature lève le voile sur l’un des plus grands mystères environnementaux de notre époque : le paradoxe du plastique manquant. Selon les chercheurs, 27 millions de tonnes de nanoplastiques — des particules de moins d’un micromètre — flottent actuellement dans l’océan Atlantique Nord. Invisibles à l’œil nu, ces microdéchets silencieux sont en réalité partout… et pénètrent jusque dans notre corps.

Une introduction choc dans le débat environnemental

Depuis des décennies, les scientifiques alertent sur les dangers de la pollution plastique dans les océans. Mais une question persistait : où est passé tout ce plastique ? Les quantités produites mondialement sont colossales, et pourtant, seuls quelques pourcents sont réellement retrouvés à la surface de l’eau, sur les plages ou dans les fonds marins. Ce “plastique manquant” semblait s’évaporer dans la nature. L’étude dirigée par le Royal Netherlands Institute for Sea Research (NIOZ) et l’Université d’Utrecht apporte enfin un début de réponse.

“27 million tons is a shocking amount... But with this we do have an important answer to the paradox of the missing plastic.”
— Sophie ten Hietbrink, coautrice de l’étude

Qu’est-ce qu’un nanoplastique ?

Les nanoplastiques sont des fragments de plastique extrêmement fins, dont la taille est inférieure à 1 micromètre (μm), soit 1000 fois plus petits qu’un grain de sable. Ils sont donc totalement invisibles à l’œil nu, ce qui les rend particulièrement difficiles à détecter, à quantifier… et à éliminer.

Ces particules peuvent être issues de la dégradation progressive de plastiques plus gros, par l’action du soleil (photodégradation), des vagues ou du sel, ou encore directement transportées par les rivières et déposées via les précipitations. Ils représentent aujourd’hui, selon cette étude, la fraction dominante de la pollution plastique marine.

Une étude rigoureuse aux résultats inquiétants

Une méthodologie scientifique innovante

Pour parvenir à ce chiffre stupéfiant de 27 millions de tonnes, les chercheurs ont procédé à des prélèvements d’eau sur 12 sites répartis entre les Açores et le plateau continental européen, à bord d’un navire de recherche. Sophie ten Hietbrink, étudiante en master à l’université d’Utrecht, a filtré l’eau pour ne garder que les éléments inférieurs à 1 μm, puis a soumis les résidus à une analyse moléculaire poussée.

Les données ainsi recueillies ont ensuite été extrapolées à l’ensemble de l’océan Atlantique Nord. Cette approche, bien plus fine que les méthodes classiques, a permis de révéler une pollution jusque-là invisible, exclue des calculs habituels.

Des chiffres qui bouleversent notre compréhension

Jusqu’à présent, les estimations de pollution plastique océanique reposaient essentiellement sur les macro- et microplastiques (de 5 mm à 1 μm). Mais cette nouvelle étude montre que les nanoplastiques pourraient représenter l’essentiel du plastique dissous dans les mers. C’est une avancée majeure pour comprendre le cycle de vie du plastique et ses conséquences environnementales.

Une menace sanitaire et écologique majeure

“It is already known that nanoplastics can penetrate deep into our bodies. They are even found in brain tissue.”
— Helge Niemann, géochimiste au NIOZ

Les nanoplastiques sont si petits qu’ils peuvent traverser les membranes cellulaires et s’infiltrer dans tous les tissus vivants — y compris le cerveau. Leur omniprésence dans l’océan signifie qu’ils contaminent non seulement les poissons, les crustacés et le plancton, mais également toute la chaîne alimentaire, jusqu’à l’être humain.

Cette pollution insidieuse pourrait avoir des effets encore inconnus sur les systèmes immunitaire, neurologique et reproductif, autant chez les animaux que chez les humains. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déjà sonné l’alarme sur les microplastiques dans l’eau potable ; cette découverte amplifie considérablement l’urgence.

Un danger permanent et irréversible

“The nanoplastics that are there, can never be cleaned up. So an important message from this research is that we should at least prevent the further pollution of our environment with plastics.”
— Helge Niemann

Contrairement aux déchets visibles, les nanoplastiques ne peuvent pas être retirés de l’environnement. Une fois qu’ils y sont, ils y restent. Ils deviennent une composante permanente des écosystèmes marins, comme l’air ou le sel. C’est pourquoi les chercheurs insistent sur la prévention : il est encore temps de limiter les dégâts futurs, en réduisant drastiquement notre usage du plastique.

Un problème mondial : l’Atlantique n’est que la partie émergée de l’iceberg

Si l’étude se concentre sur l’océan Atlantique Nord, la pollution aux nanoplastiques est très probablement globale. Les chercheurs n’ont pas encore pu étudier les autres bassins océaniques avec la même précision, mais la logique veut que les mêmes mécanismes soient à l’œuvre dans le Pacifique, l’océan Indien, ou encore les mers polaires.

La circulation des courants, les précipitations, les rejets industriels et urbains se conjuguent pour faire du plastique un polluant universel. Et tant que la production plastique mondiale ne ralentit pas, ce phénomène ne fera que s’aggraver.

Limites de l’étude et incertitudes scientifiques

Malgré l’ampleur de ses résultats, cette étude présente certaines limites :

  • Elle n’a pas détecté certains types de plastiques (polyéthylène, polypropylène), probablement masqués par d’autres molécules.
  • Les effets précis des nanoplastiques sur les écosystèmes restent encore à étudier en détail.
  • On ignore si ces chiffres sont représentatifs de l’ensemble des océans.

Cela ne remet pas en cause la gravité des résultats, mais montre qu’il reste encore beaucoup à apprendre. L’urgence est réelle, mais la science continue de chercher à comprendre l’ampleur exacte du phénomène.

Une mise en perspective nécessaire : notre responsabilité collective

Cette étude remet une fois de plus en question notre modèle de société basé sur le plastique à usage unique. Emballages, textiles synthétiques, pneus, cosmétiques : le plastique est partout, et ses résidus se diffusent désormais jusque dans le plancton… et dans nos cellules.

Nous ne sommes plus simplement témoins d’une pollution extérieure, nous en sommes les récepteurs directs. L’homme devient le dernier maillon d’une chaîne polluée qu’il a lui-même créée.

Des solutions existent, mais elles exigent des choix courageux

Réduire l’usage du plastique, améliorer le recyclage, interdire certains produits non essentiels, investir dans des alternatives biodégradables… Les pistes sont nombreuses. Mais elles nécessitent une volonté politique ferme, une mobilisation citoyenne durable et une implication des entreprises dans une démarche de responsabilité environnementale réelle.

Voir l’invisible pour mieux agir

Les 27 millions de tonnes de nanoplastiques dans l’Atlantique Nord ne se voient pas, mais elles sont bien là. Cette pollution invisible nous concerne tous : elle altère les écosystèmes, contamine la vie marine et s’insinue jusque dans nos corps. L’étude publiée dans Nature vient combler une lacune scientifique essentielle, mais elle doit surtout servir de signal d’alarme pour l’humanité entière.

Nous ne pouvons plus prétendre ignorer ce que nous ne voyons pas. L’avenir de nos océans — et de notre propre santé — dépend des décisions que nous prendrons aujourd’hui. Car si les nanoplastiques ne peuvent pas être nettoyés, nous pouvons encore empêcher qu’ils se multiplient.

Face à l’invisible, seule l’action est tangible.

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