Alors que les véhicules électriques prennent une place croissante sur les routes françaises, un nouveau métier émerge dans les stations de recharge : celui de borniste. Présenté comme le successeur moderne du pompiste, le borniste répond à une problématique bien réelle : la recharge d’un véhicule électrique n’est pas toujours intuitive, surtout pour les néophytes. Entre pédagogie, assistance technique et optimisation du trafic, ce métier en pleine émergence incarne la transition énergétique… mais aussi la transformation des usages de mobilité.
Une réponse humaine à la complexité des bornes de recharge
Des automobilistes souvent désemparés
Contrairement à un plein d’essence qui ne nécessite qu’un pistolet et quelques secondes de manipulation, la recharge électrique varie selon les modèles, les connecteurs, la puissance des bornes et les abonnements associés. Pour beaucoup d’usagers, en particulier ceux qui découvrent la voiture électrique lors des vacances, cette opération s’avère déroutante.
« Trop souvent, les concessionnaires remettent les clés sans expliquer grand-chose, alors les gens ne savent pas faire. »
Nicolas, borniste interrogé par Le Parisien
Cet écart de connaissances crée des files d’attente, des erreurs de branchement, voire de la frustration. Le borniste intervient alors comme un facilitateur, une présence rassurante pour guider les conducteurs pas à pas.
Un rôle crucial pendant les vacances
Les périodes de départs en vacances accentuent ces difficultés. Le nombre de véhicules électriques augmente, mais les utilisateurs ponctuels (véhicules de location, second véhicule du foyer, premiers longs trajets) sont souvent mal préparés. Le borniste joue alors un double rôle :
- Assistance technique : il explique le fonctionnement de la borne, aide à la connexion, résout les erreurs.
- Gestion de la file : il optimise l’usage des bornes pour éviter l’engorgement.
Comme le souligne le délégué général d’Avere-France :
« Installer des bornistes en station-service est une excellente initiative, car ce départ en vacances sera encore le premier long voyage en électrique pour de très nombreux automobilistes. »
Le retour d’un métier disparu… sous une forme renouvelée
Du pompiste au borniste : un passage de relais symbolique
Dans les années 1980, les pompistes ont disparu au profit du libre-service, porté par une automatisation croissante des stations. Aujourd’hui, l’électrification des véhicules semble faire revenir la nécessité d’un contact humain dans les stations. À une époque où tout se digitalise, la technologie exige parfois plus d’assistance que les anciennes solutions.
Le borniste n’est pas un simple technicien : il est aussi médiateur, conseiller et garant d’un service fluide. Il connaît les modèles de voitures, les spécificités des bornes, les logiciels d’authentification, les cartes d’abonnement. Une palette de compétences techniques et relationnelles précieuses dans un environnement encore en construction.
Un métier en phase avec les enjeux de la transition énergétique
Le développement du métier de borniste s’inscrit pleinement dans les dynamiques de la transition énergétique :
- Accompagnement de l’adoption : en levant les barrières techniques, il favorise l’usage des voitures électriques.
- Optimisation économique : en fluidifiant le trafic, il augmente le nombre de recharges par borne et améliore la rentabilité des stations.
- Création d’emplois de proximité : il redonne de la valeur humaine à un secteur où les automatismes dominaient.
Ce rôle de "coach de recharge" pourrait bien devenir indispensable dans les prochaines années, alors que la France accélère ses objectifs de déploiement des bornes sur tout le territoire.
Une tendance amenée à se structurer
Formation, statut, reconnaissance : un cadre encore flou
Pour l’instant, le métier de borniste reste peu formalisé. Il n’existe pas encore de diplôme spécifique, ni de grille salariale officielle. Les acteurs du secteur recrutent majoritairement en contrat saisonnier ou intérim, souvent parmi d’anciens employés du secteur automobile ou de la logistique.
Mais à mesure que la demande augmente, des parcours de formation devraient émerger, intégrant à la fois les compétences techniques (types de connecteurs, diagnostics simples, gestion d’incidents) et les savoir-faire relationnels (accueil, pédagogie, gestion de conflit).
Un métier d’avenir ?
La tendance semble durable. Le nombre de véhicules électriques sur les routes françaises a dépassé les 1,5 million en 2025, et le plan gouvernemental prévoit 400 000 bornes publiques d’ici 2030. Cette croissance exponentielle des infrastructures ne pourra pas reposer uniquement sur l’automatisation.
De la même manière que l’essor des caisses automatiques dans les supermarchés n’a pas supprimé tous les postes de caissiers, la présence humaine aux bornes de recharge répond à des besoins d’accompagnement, de résolution de problème et de satisfaction client.
Comparaison européenne et perspectives d’évolution
Qu’en est-il ailleurs en Europe ?
La France n’est pas seule à observer cette transition. En Norvège, pays pionnier de l’électrification, des agents d’assistance sont déjà présents dans certaines stations. En Allemagne et aux Pays-Bas, des initiatives similaires apparaissent, notamment via les opérateurs de recharge (Ionity, Fastned) qui misent sur une expérience utilisateur fluide.
La France innove donc en officialisant cette fonction là où d'autres pays comptaient sur des solutions 100 % technologiques. Cela peut s’expliquer par des différences culturelles : en France, la proximité humaine reste un facteur déterminant dans la satisfaction client.
Vers une professionnalisation du métier ?
Plusieurs scénarios sont envisageables à moyen terme :
- Naissance d’un titre professionnel : sur le modèle des métiers de la relation client ou de la maintenance technique légère.
- Intégration dans les grandes chaînes de stations-service : TotalEnergies, Vinci Autoroutes, EDF pourraient standardiser le poste.
- Polyvalence croissante : le borniste pourrait devenir également animateur de station, gestionnaire de services annexes (restauration, dépannage, vente de produits connectés…)
Ce rôle est donc appelé à évoluer au rythme de l’industrie automobile et des exigences des conducteurs.
Analyse : un retour de l’humain dans la mobilité du futur
Le développement du métier de borniste illustre une vérité souvent oubliée : toute innovation technologique crée des besoins humains nouveaux. À l’heure où les voitures deviennent de plus en plus intelligentes, leur bon usage nécessite parfois… un coup de main bien réel.
Ce retour de métiers de service dans les stations de recharge souligne aussi une forme de réhumanisation des mobilités, où le contact, le conseil et l’expérience client redeviennent centraux. Loin d’être un simple “réglage de transition”, le borniste pourrait devenir un maillon essentiel de l’écosystème électrique.
Une innovation sociale au service de la transition énergétique
À la croisée de la technique, du service et de l’écologie, le métier de borniste apporte une réponse pragmatique à un défi très concret : rendre la recharge électrique accessible à tous. En reprenant les codes du pompiste d’autrefois tout en les adaptant aux enjeux actuels, il montre que la mobilité du futur ne sera pas seulement électrique, mais aussi humaine, pédagogique et inclusive.
Alors que la France s’apprête à franchir un nouveau cap dans la mobilité verte, les bornistes pourraient bien être les héros discrets de cette révolution. Une innovation sociale à suivre de près, et peut-être, à pérenniser.
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