Le 26 juillet 2025, depuis le port spatial de Kourou, une mission spatiale d’envergure va marquer un tournant dans l’observation de notre planète. Baptisée CO3D (Constellation Optique 3D), cette initiative conjointe d’Airbus et du CNES a pour ambition de créer la toute première cartographie mondiale 3D en haute résolution. Une prouesse technologique qui promet de transformer notre rapport à la Terre, avec des retombées dans la géopolitique, l’environnement, l’aménagement du territoire et bien plus encore.
Une mission ambitieuse portée par l’excellence européenne
Lancement au cœur de la Guyane : la rampe de départ de l’innovation
Le lancement officiel de CO3D aura lieu le 26 juillet 2025 depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. C’est la fusée Vega-C qui sera en charge de placer cette constellation dans une orbite héliosynchrone à 502 km d’altitude. Une mission européenne d’envergure, fruit de la collaboration entre deux acteurs majeurs de l’aérospatial : Airbus et le CNES (Centre national d’études spatiales).
Mais CO3D ne se limite pas à une simple mission de cartographie : elle incarne une vision stratégique de la Terre comme objet de surveillance, d’analyse et de compréhension à travers la technologie la plus avancée jamais mise en œuvre pour ce type de projet.
Une constellation pour voir la Terre en relief
La mission s’appuie sur une constellation de 4 satellites, chacun pesant 285 kg, volant en formation par paires opposées espacées de 100 km. Ces satellites utilisent une technique appelée stéréoscopie pour capter des images en trois dimensions avec une résolution exceptionnelle de 50 centimètres. Autrement dit, CO3D sera capable de distinguer des éléments sur le sol avec une précision inégalée à l’échelle mondiale.
Une technologie de rupture au service de la Terre
Step and Stare : observer sans flou
Le mode d’observation choisi, baptisé Step and Stare, repose sur une stratégie en deux temps :
- Stare : la prise d’image statique avec un détecteur matriciel, assurant une grande stabilité et une netteté parfaite ;
- Step : un repositionnement rapide avant la prise suivante, pour couvrir de larges zones sans mouvement parasite.
Grâce à cette approche, les satellites peuvent capturer des bandes d’images de 7 à 28 km de large, permettant une flexibilité d’observation optimale en fonction des besoins : zones urbaines, reliefs complexes, ou grandes surfaces agricoles.
Un bijou de technologie européenne
Les satellites CO3D sont conçus sur la plateforme S250, une nouvelle génération de plateformes développée par Airbus, avec le soutien stratégique du CNES. La conception s’inspire des processus industriels issus de l’automobile et de l’aéronautique, garantissant une fabrication plus rapide, plus fiable et plus économique.
Assemblés à Toulouse sur une chaîne de production ultra-moderne, les satellites intègrent des composants commerciaux "spatialement qualifiés", permettant d’en réduire les coûts tout en maintenant une exigence de performance très élevée.
Objectifs : au-delà de la cartographie
Une mission principale de 18 mois, avec des débuts sous test
Les 6 premiers mois serviront à réaliser les tests orbitaux nécessaires pour valider le bon fonctionnement des instruments. Ensuite, la mission scientifique durera 18 mois, avec un objectif ambitieux : générer un modèle numérique de surface mondial inédit.
Une attention particulière sera portée à certaines zones prioritaires comme la France, mais aussi ce que les analystes appellent l’arc de crise, à savoir les zones sensibles sur les plans géopolitique et environnemental (Moyen-Orient, Afrique sahélienne, Ukraine, Asie du Sud-Est, etc.).
« Ces satellites peuvent désormais fournir une carte 3D révolutionnaire de notre planète et offrir des capacités d'observation à haute revisite et haute résolution. »
— Alain Fauré, responsable des systèmes spatiaux chez Airbus
Le système LASIN : une avancée en communication spatiale
Un des satellites embarquera le système LASIN, un émetteur laser révolutionnaire permettant une vitesse de transmission de 10 Gbit/s — soit 10 fois plus rapide que les systèmes classiques en bande X. Ce débit élevé est crucial pour rapatrier les volumes massifs d’images 3D générés chaque jour.
MicroCarb : un passager discret mais stratégique
En parallèle de CO3D, la fusée Vega-C emportera également un autre satellite nommé MicroCarb, fruit d’une collaboration entre le CNES et la UK Space Agency. Sa mission : mesurer le taux de CO₂ dans l’atmosphère grâce à un spectromètre haute précision fabriqué par Airbus.
MicroCarb vient compléter la mission CO3D en offrant une vision atmosphérique complémentaire à la cartographie terrestre. Ensemble, ils renforcent l’arsenal scientifique européen pour lutter contre le réchauffement climatique et observer les effets des activités humaines sur la planète.
Pourquoi CO3D change la donne ?
Une technologie civile aux retombées multiples
Si l’objectif est scientifique et civil, CO3D aura de nombreuses applications concrètes :
- Géopolitique : surveillance des conflits, gestion des frontières, analyse des migrations.
- Environnement : cartographie des forêts, suivi de la fonte des glaces, évolution des littoraux.
- Urbanisme : planification des villes, gestion des risques naturels, infrastructures.
- Économie : agriculture de précision, assurance, télécommunications.
Ce projet pose également les bases d’un nouveau standard industriel pour les satellites de cartographie. Il s’agit d’un basculement historique d’une production artisanale vers une logique d’industrialisation de masse, inspirée du secteur automobile.
Une Europe spatiale qui affirme sa souveraineté
À l’heure où les États-Unis (notamment avec les satellites de Maxar ou Planet Labs) et la Chine renforcent leur contrôle de la donnée géospatiale, CO3D représente une réponse européenne souveraine et stratégique. Elle montre que l’Europe peut produire ses propres données, dans une logique de maîtrise technologique et de sécurité numérique.
Conclusion : CO3D, une nouvelle ère d’observation de la Terre
Le lancement de CO3D marque plus qu’un jalon technologique : il symbolise une prise de conscience collective sur les enjeux liés à la connaissance fine et continue de notre planète. Grâce à une précision jamais atteinte et une vitesse de transmission révolutionnaire, la constellation CO3D offre à l’Europe un outil stratégique de premier plan.
Avec sa méthodologie industrielle innovante, ses ambitions scientifiques fortes et sa portée géopolitique, CO3D n’est pas seulement un exploit technique — c’est une déclaration d’intention. L’Europe entend bien mieux voir, mieux comprendre et mieux anticiper les évolutions du monde. Et cela commence... le 26 juillet 2025.
Une chose est sûre : la Terre ne nous aura jamais semblé aussi proche, aussi nette, aussi accessible — depuis l’espace.
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