Après avoir mis fin à l’Hyper-threading sur sa dernière génération de processeurs Arrow Lake, Intel reconnaît aujourd’hui une erreur stratégique majeure. Résultat : performances décevantes, critiques de la communauté, recul des ventes… Et désormais, un virage à 180 degrés. Avec ses futures générations Panther Lake (grand public) et Granite Rapids (serveur), Intel réintègre officiellement cette technologie qui a marqué l’histoire du x86.
Une technologie iconique abandonnée… puis réhabilitée
Hyper-threading : plus de 20 ans d’existence
Introduit pour la première fois en février 2002 sur les processeurs Xeon (serveurs), puis en novembre 2002 sur les Pentium 4, l’Hyper-threading – ou Simultaneous Multi-Threading (SMT) – permet à un cœur physique d’exécuter deux threads simultanément. Cela permet, dans certaines charges, d’optimiser l’utilisation des ressources CPU et d’améliorer la réactivité.
Ce fut l’un des piliers des architectures Intel pendant plus de deux décennies, jusqu’à ce qu’Arrow Lake, prévu pour fin 2024, annonce officiellement sa disparition.
Arrow Lake : une rupture assumée, mais controversée
Avec Arrow Lake, Intel a opté pour une suppression totale de l’Hyper-threading, même sur les cœurs performants. Ce choix était motivé par une volonté de privilégier le nombre de cœurs physiques, dans un design hybride de type big.LITTLE (Performance et Efficient cores).
« S’éloigner du SMT aura été un désavantage compétitif. » — Lip-Bu Tan, P.-D.G. d’Intel
Cette déclaration illustre un revirement stratégique profond chez Intel, qui admet aujourd’hui que cette suppression a nui à sa compétitivité.
Pourquoi Intel a abandonné l’Hyper-threading ?
Les motivations officielles
- Maximisation du nombre de cœurs physiques : Intel souhaitait compenser l’abandon du SMT par une montée en nombre de cœurs, notamment efficients.
- Moins d’intérêt perçu du SMT : selon les ingénieurs, les bénéfices du SMT s’étaient réduits dans certains scénarios modernes.
- Efficacité énergétique : Arrow Lake a montré une consommation mieux maîtrisée que Raptor Lake Refresh.
Mais une réalité moins flatteuse
Sur le terrain, les résultats ne sont pas à la hauteur :
- Performances inférieures en jeu, où le SMT reste un avantage sur les cœurs performants.
- Demandes en hausse pour les puces 13e et 14e générations, pourtant plus anciennes mais avec SMT activé.
- Perte de confiance chez certains utilisateurs et créateurs de contenu.
- Ventes décevantes d’Arrow Lake, avec des critiques techniques récurrentes.
Intel a donc été contraint de réévaluer ses choix techniques pour éviter de perdre encore plus de parts de marché.
Panther Lake et Granite Rapids : la résurrection du SMT
Sortie prévue fin 2025
Intel a confirmé que Panther Lake (client) et Granite Rapids (serveur) réintégreront bien le SMT. Il s’agit d’un retour en arrière technologique… mais peut-être d’un bond en avant stratégique.
« Aider à réduire l’écart de performances observé » — Intel, à propos du retour de l’Hyper-threading
Cette décision vise clairement à restaurer la compétitivité des CPU x86 face à AMD, mais aussi face aux puces ARM qui gagnent du terrain, notamment chez Apple et dans les data centers.
Le défi : concilier puissance et efficience
Le grand enjeu pour Intel sera de trouver un équilibre entre :
- La puissance brute des cœurs performants avec SMT
- La maîtrise énergétique dans un contexte de sobriété numérique
- La modularité des architectures hybrides type big.LITTLE
Analyse comparative : SMT vs plus de cœurs physiques
SMT : un multiplicateur virtuel
Le SMT ne double pas les performances, mais permet un gain de 15 à 30 % dans certains scénarios multi-threadés (encodage vidéo, compilation, jeux AAA modernes…). Il est particulièrement utile lorsqu’il existe une forte demande simultanée de threads légers.
Des cœurs physiques : une promesse plus théorique ?
Augmenter le nombre de cœurs physiques peut sembler plus « noble », mais cela :
- Accroît la consommation et les besoins en dissipation thermique
- Complexifie l’optimisation logicielle
- N’apporte pas forcément un gain en performance équivalent sans SMT
Dans les faits, beaucoup de logiciels ne tirent pas parti de plus de 8 ou 10 cœurs, mais profitent bien du SMT pour exécuter plus de tâches en parallèle.
Les conséquences industrielles de la décision d’Intel
Un coup dur pour les finances
Les ventes médiocres d’Arrow Lake ont impacté les résultats financiers d’Intel. L’entreprise a annoncé :
- Une réduction drastique des effectifs (objectif : 75 000 employés)
- Une restructuration complète du groupe
- Une volonté affichée de « revitaliser l’écosystème x86 »
Un signal stratégique fort
Le retour du SMT traduit une volonté d’écoute vis-à-vis des utilisateurs professionnels comme grand public. C’est aussi une réponse à la concurrence, notamment AMD avec son SMT 2.0 et Apple avec ses puces M-series très performantes.
Perspectives : vers une nouvelle ère du x86 ?
Un retour assumé, mais pas rétrograde
Contrairement à ce que certains pourraient penser, Intel ne fait pas que revenir à l’ancien monde. Il ajuste sa stratégie pour mieux s’adapter à l’évolution des usages :
- Le cloud computing et le multitâche massif restent friands de SMT
- L’IA et le traitement parallèle nécessitent toujours plus de threads actifs
- Les créateurs de contenu plébiscitent les configurations avec SMT pour la fluidité
Panther Lake : la génération du pardon ?
Prévue pour fin 2025, Panther Lake pourrait être la génération de la réconciliation entre Intel et sa communauté. Avec une réintégration stratégique du SMT, une meilleure efficacité énergétique, et (on l’espère) des performances à la hauteur, Intel a une vraie carte à jouer pour regagner le terrain perdu.
La leçon d’humilité d’un géant
Intel vient de prouver que même les géants de la tech peuvent faire fausse route. L’abandon de l’Hyper-threading s’est avéré être une erreur stratégique, coûteuse en image et en parts de marché. Mais l’entreprise montre aussi une capacité de remise en question et une volonté de reconquête.
Le retour du SMT dans Panther Lake et Granite Rapids marque donc bien plus qu’une simple mise à jour technique : c’est un signal fort envoyé à l’ensemble du secteur. Dans un marché de plus en plus concurrentiel, où chaque choix architectural peut faire ou défaire une génération, cette décision pourrait bien être celle qui relance la dynamique x86 dans les années à venir.
Reste à voir si Intel saura convertir cette correction de trajectoire en véritable renouveau technologique. Réponse à partir de fin 2025…
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