Donald Trump, de retour sur la scène politique américaine en vue de l’élection présidentielle de 2025, surprend une fois encore en adoptant une plateforme qu’il a lui-même tenté d’interdire : TikTok. Tandis qu’il y cumule déjà plus de 15 millions d’abonnés, il continue de dénoncer l’influence chinoise sur l’application. Une contradiction en apparence, mais qui reflète une stratégie bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Trump et TikTok, une alliance paradoxale
Donald Trump n’en est pas à sa première volte-face médiatique. Longtemps critique de TikTok, réseau social phare de la génération Z, l’ancien président américain s’y exprime désormais avec régularité. Objectif affiché : communiquer avec les jeunes. Dans le même temps, il exige que la plateforme passe sous un contrôle américain complet avant le 17 septembre 2025.
Cette date marque un tournant décisif dans un dossier où s'entremêlent stratégie numérique, enjeux géopolitiques et guerre économique. Pour mieux comprendre ce qui est en jeu, il faut remonter aux origines du conflit et analyser les positions des acteurs en présence.
TikTok, outil d’influence mais aussi source de tensions
Un succès fulgurant aux États-Unis
TikTok, propriété du géant technologique chinois ByteDance, est aujourd’hui installé sur plus de 100 millions de téléphones américains et revendique 170 millions d’utilisateurs aux États-Unis. L’application est devenue un canal incontournable pour le divertissement, la culture et la communication politique.
Donald Trump, anciennement critique, y voit désormais une arme de séduction massive pour capter l’attention des jeunes électeurs. Et il ne s’en cache pas : selon les propos rapportés par son secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, « TikTok constitue un bon moyen de communiquer avec les jeunes ».
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Un contrôle chinois jugé inacceptable par Washington
Malgré cette utilisation active, Trump reste ferme : TikTok ne peut rester sous pavillon chinois. Lutnick résume la position de l'administration américaine en des termes sans équivoque :
« Les Chinois ont une application installée sur plus de 100 millions de téléphones américains, ce n’est tout simplement pas acceptable. »
Selon Washington, le véritable problème ne réside pas dans l’usage de la plateforme, mais dans le contrôle de ses algorithmes, de ses technologies et de ses données utilisateurs. Une application aussi populaire, entre les mains d’un gouvernement étranger considéré comme hostile, représente un risque stratégique majeur.
Une bataille juridique et politique de longue haleine
Retour sur la « Liberation Day » du 2 avril 2025
Le 2 avril 2025 devait être une date symbolique : celle de la conclusion d’un accord entre TikTok et des acquéreurs américains. Mais l’initiative, surnommée en interne « Liberation Day », a échoué, faute de validation par les autorités chinoises. Depuis, l’administration Trump a accordé deux extensions de délai, la dernière fixant la date butoir au 17 septembre 2025.
Une transaction encore incertaine
Des acquéreurs américains ont été identifiés en juin 2025, et un accord de principe semble avoir été trouvé. L’enjeu est colossal : le transfert de propriété doit inclure la technologie, les serveurs, les algorithmes, et surtout, les données.
Mais un obstacle majeur demeure : l’approbation du gouvernement chinois. Sans elle, l’accord ne peut aboutir. Howard Lutnick a été clair :
« Si l’accord n’est pas approuvé par les Chinois, TikTok va s’éteindre. »
Quels scénarios pour TikTok après le 17 septembre 2025 ?
Scénario 1 : Un transfert validé par Pékin
Si la Chine approuve la transaction, TikTok deviendra une entreprise 100 % américaine sur le sol américain. Ce scénario serait un succès stratégique pour Donald Trump, lui permettant à la fois de sécuriser les données nationales et de continuer à exploiter la plateforme comme outil de campagne.
Cependant, pour Pékin, ce serait un précédent dangereux : cela montrerait que des pressions politiques peuvent forcer la main à des entreprises chinoises. Une décision qui risquerait d’avoir des répercussions sur l’ensemble du secteur technologique chinois à l’international.
Scénario 2 : Le refus chinois et la fermeture de TikTok aux USA
Si la Chine bloque l'accord, l’administration Trump semble prête à interdire purement et simplement TikTok aux États-Unis. Une mesure radicale mais pas sans précédent : l’Inde, par exemple, a déjà interdit l’application en 2020.
Une telle interdiction aurait des conséquences lourdes :
- Des millions de créateurs américains perdraient leur audience.
- La campagne de Trump devrait trouver un nouveau canal pour atteindre les jeunes.
- Les tensions sino-américaines s’envenimeraient davantage.
Analyse : entre stratégie électorale et souveraineté numérique
Une utilisation stratégique de TikTok par Trump
En apparence contradictoire, la posture de Donald Trump est en réalité hautement stratégique. En utilisant TikTok tout en exigeant sa nationalisation, il démontre à la fois sa proximité avec les jeunes électeurs et sa fermeté face à la Chine. Une double position qui lui permet d’élargir sa base tout en martelant un discours nationaliste fort.
Un précédent pour les autres applications étrangères ?
Ce cas soulève une question cruciale : d’autres applications étrangères pourraient-elles être soumises à la même exigence de transfert de propriété ? Ce serait le début d’un nouvel ordre numérique mondial où chaque pays exige que les entreprises opérant sur son sol soient contrôlées localement. Un modèle protectionniste aux implications majeures pour l’économie numérique globale.
L’Amérique face à la Chine : la technologie comme champ de bataille
La bataille autour de TikTok s’inscrit dans un conflit géopolitique plus vaste entre les États-Unis et la Chine. Après la guerre commerciale et les restrictions sur Huawei, le numérique devient un terrain d’affrontement pour la souveraineté technologique. La question n’est pas seulement économique, elle est idéologique : qui contrôle l’information, les algorithmes et les données des citoyens ?
TikTok, plus qu'une application
Ce que révèle cette affaire, c’est que TikTok est bien plus qu’un simple réseau social. Il est devenu un enjeu de souveraineté, de sécurité et de communication politique. La position de Donald Trump, entre usage actif de la plateforme et menaces de fermeture, est le reflet d’une ère où la technologie est au cœur des rapports de force mondiaux.
La date du 17 septembre 2025 pourrait bien être historique. Elle marquera peut-être la nationalisation de l’un des outils numériques les plus influents du XXIe siècle, ou sa disparition du territoire américain. Dans les deux cas, elle posera une question incontournable : à qui doit appartenir le pouvoir numérique ?
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